Ce contenu rend hommage au film « Retour vers le futur ». Si vous ne l’avez pas vu, ne lisez pas la suite !
Pour cet article, je vais choisir d’incarner la fille imaginaire de Marty Mc Fly. Dans la mesure où “je ne suis pas une mauviette”, j’ai donc décidé de dérober les clés de la Delorean et de me projeter dans 20 ans pour voir les effets concrets de l’innovation dans le monde du droit.
Parce que oui, aujourd’hui, nous n’en sommes qu’aux balbutiements et même si la legaltech envoie des paillettes pleins les yeux, nous savons vous et moi que nos pratiques juridiques ne vont pas se transformer en un claquement de doigts.
Logique, on ne passe pas du Jurassique à l’époque de l’hoverboard en quelques mois. Donc, vous êtes prêt pour le voyage ?
Comprendre le droit sera-t-il aussi anodin que de conduire une voiture volante ?
Le droit, cette matière noble aussi dure à prendre qu’une forteresse
S’il existe une défiance naturelle du citoyen envers le droit, c’est parce que les lois sont d’une complexité avérée. Même pour les juristes les plus aguerris, une fois sortis de leur spécialité, ils sont aussi penauds qu’un enfant qui aurait perdu ses parents un soir de Carnaval.
Mais, qu’en est-il de ceux qui n’ont pas eu cette chance inouïe (rires) d’étudier le droit ?
A mon avis, ils doivent avoir des crises d’angoisse. Car la forme n’aide clairement pas à comprendre le fond… Si vous demandez à n’importe qui de lire Légifrance ou tout autre joyeuseté analogue, il passera sans aucun doute un mauvais quart d’heure.
On est entre nous, on peut se le dire : le droit est illisible pour 95% des gens et entretenir cette illisibilité est un crime contre le bon sens. C’est ici que vous, juriste, pouvez devenir un héros et changer le cours du destin.
D’ailleurs, certains professionnels combattent déjà ce jargon inaudible. Ils mettent la compréhension au centre de leur proposition de valeur.
Pour eux, le legal design serait la meilleure façon de rendre le droit efficace et accessible. Pourquoi ? Parce qu’on remet l’humain au centre. Les legal designers et les juristes qui s’y sont mis le clament haut et fort : la pratique juridique n’est rien si elle n’est pas tournée réellement vers l’utilisateur (à savoir le justiciable, les opérationnels, les clients d’un cabinet etc).
Pour en savoir davantage sur le sujet, je vous invite à écouter ceux qui l’utilisent au quotidien :
- Laura Fauqueur, spécialiste missionnée par les entreprises qui ont compris que l’intelligibilité des contrats est un moyen de se rapprocher du client final ;
- Dany Gilbert, Directeur Juridique de la Vendée qui insuffle la culture juridique à tous les étages de la collectivité
- Stéphanie Marais Batardière, une avocate qui a remplacé des consultations de 20 pages par des schémas qui facilitent la prise de décision de ses clients.
Fini le temps du juriste poussiéreux dont la seule apparition donnait des boutons à tous les opérationnels ! Fini le temps où un contrat demandait de lire des paragraphes de 15 lignes avec 8 virgules ! Fini le temps des cathédrales !
Inaccessible : une réputation qui colle salement à la peau des professionnels du droit
Le problème avec des lois inintelligibles, c’est que les citoyens connaissent mal leurs droits et leurs obligations. Un peu gênant dans un Etat démocratique lorsqu’on s’aperçoit finalement que seule 1 frange de la population comprend à peu près les rouages du droit. Si le problème n’était que celui-là, ça irait encore. Après tout, les juristes sont là pour prendre le relai.
Sauf que les professionnels du droit ont (par analogie ?) cette image de personnages sombres (avec un costume ou un tailleur) qui profèrent des paroles d’un autre monde et qui incarnent, par-dessus le marché, l’oiseau de mauvais augure. Côté cliché, je suis en plein dedans, je vous l’accorde.
Ce qui est certain en revanche, c’est qu’une partie de la profession est en train de casser cette image. Ce n’est pas pour rien qu’on voit émerger des plateformes dont le but est de démocratiser l’accès aux avocats.
Quand on sait que 82 % des Français estiment que faciliter l’accès aux avocats améliorerait l’accès au Droit, l’apparition de start-up comme Loi&Moi sont salutaires. Sa fondatrice, Anne-Laure Giraudeau, avocate aussi pugnace que sympathique, estime qu’un avocat est un “prestataire” comme un autre et qu’à ce titre, il se doit d’être aussi accessible que possible.
Dans la même veine, Wedivorce.fr inclut la problématique financière dans l’équation. Claire a souhaité faciliter le divorce amiable en proposant des forfaits avocats, avec un paiement en 4 fois.
On ne peut que féliciter ce type de démarche qui contribue, selon moi, à faire descendre le droit dans les foyers quel que soit la taille du porte-monnaie.
A quand des outils qui s’attaquent au fond du droit pour éviter les tuiles ?
“L’amour est partout là où tu regardes”. A en croire Francis Cabrel, c’est même dans les moindres recoins de l’espace. Pour le droit, c’est exactement pareil ! Droit du travail, droit de la consommation, droit des nains de jardin. Tous les domaines sont touchés et il y a autant de matières que d’opportunités business.
Sauf que s’attaquer au fond du droit n’est pas donné à tout le monde. On rentre dans le “dur” à savoir décortiquer la réglementation pour la mettre à portée de tout le monde. J’ai croisé sur ma route deux legaltech qui ont eu envie de se lancer là-dedans.
Tout d’abord, mes indemnites.com qui propose à tout petit prix de calculer ses indemnités en cas de rupture du travail. Alexandra Sabbe Ferri, une avocate hyperactive qui donne le tournis, a disséqué les conventions collectives pour que le justiciable rentre ses données et qu’en 3 secondes, il ait un estimatif de l’indemnité qu’il pourrait percevoir.
Toujours dans le droit du travail, Agrume est un outil de digitalisation RH. Comme tout domaine juridique qui se respecte, le droit du travail regorge de textes soporifiques à lire. Un petit toilettage de la part de cette legaltech rend grandement service aux Ressources Humaines. Pour chaque procédure, le logiciel fournit un calendrier dynamique et les documents adéquats à faire signer, une analyse des risques ainsi que les coûts associés.
L’innovation à la rescousse : Charlotte Mac Fly n’en croit pas ses yeux
La doctrine Anne-Laure Giraudeau a porté ses fruits. Aller voir un avocat est aussi facile que d’aller chercher une baguette de pain. Ne vous inquiétez pas, on ne devient pas une société dans laquelle on se fait des procès à tout va mais on préfère désormais traiter les problèmes en amont pour éviter le tribunal (un peu comme quand on voit le dentiste une fois par an pour un bon détartrage et éviter de se retrouver avec un dentier à l’âge de 45 ans ).
Quant au fond du droit, Légifrance s’est associée à des startup pour créer une IA qui comprend votre question et vous donne des informations généralistes et compréhensibles (sujet+verbe+cod). Pour tout ce qui est un peu plus complexe, des start-up auront pris le soin de mettre à la portée de tous des outils juridiques pour traiter les questions les plus récurrentes. Puis, n’oublions pas que désormais, il y a l’avocat de la famille.
Dernier point et non des moindres : le législateur a compris que la complexité du droit doit être expliquée à tous. Des infographies, des schémas et des vidéos interactives relèveront enfin le niveau de connaissance du citoyen !
La pratique du droit ressemblera-t-elle à une pizza lyophilisée ?
Word V1, Word V2, Word V3 + Excel : une formule en passe de devenir has-been ?
Il y a quelques années, j’étais juriste et pour discuter d’un projet de convention, ça se passait de la sorte : envoi d’un mail avec une PJ, retour de mail avec une pièce jointe nommée V2 ou version avec la date de jour et ce, jusqu’à ce que mort s’en suive. Bien évidemment, toutes ces belles petites données devaient être reportées dans un tableau à compléter/fliquer au jour le jour.
Ce système est-il efficace ? La réponse est non. Une mauvaise gestion des contrats génère, selon les études de l’IACCM, un manque à gagner de 9,2% de leurs revenus chaque année. J’ai aussi dégoté un joli chiffre sur le blog de Hyperlex : plus de 50% des entreprises ne connaissent pas les dates de renouvellement de leurs contrats (c’est un peu comme la mutuelle, on n’oublie tout le temps comment la résilier).
Ce qui peut être industrialisable doit l’être : certaines directions juridiques et avocats l’ont déjà compris
A force de côtoyer des legaltech, j’ai parfois l’impression que la digitalisation a pris d’assaut tous les services juridiques. Oui, ok, c’est faux et je crois bien que la formule “Word V1, Word V2, Word V3 + Excel = erreurs” a encore de beaux jours devant elle !
Toutefois, comme toute évolution, certains ont déjà pris le train en marche pour leur plus grand bonheur. Les juristes qui ont un outil de contract management remportent le triptyque suivant :
- gagnent du temps (adieu les Word Version 1, 2, 3 en pièce jointe mais aussi les impressions inutiles) ;
- font moins d’erreurs (mince, le délai de résiliation est passé. Bon, c’est reparti pour un tour) ;
- bénéficient d’une traçabilité fiable à 100% (C’est qui qui a pris des notes ? C’est Michel qui a le compte-rendu, non ?).
Des solutions telles que Hyperlex, Seraphin Legal et Gino Legaltech ont une forte proposition de valeur : transformer et automatiser les process pour faire du juridique un vrai levier business (et redorer l’image des juristes d’entreprises à qui les opérationnels ont envie de jeter des cailloux).
Clairement, ils sont dans le vrai. 2 phénomènes : les réglementations s’entassent comme des couches de millefeuilles et les outils digitaux “classiques” (drive, pièce-jointe, excel) ne sont pas adaptés à la pratique juridique.
Transformer le service juridique est indispensable, on le sait tous ! Pour autant, la bataille de la digitalisation se gagnera sur le terrain. Acheter un outil, c’est bien, mais le faire aimer (et utiliser) par tous les collaborateurs, juristes et non-juristes, est un challenge bien plus difficile.
Alors que vont devenir les juristes du futur ?
Le juriste va enfin perdre sa fonction de simple support. Avec des outils qui facilitent la pratique juridique à l’échelle de l’entreprise, le service juridique va-t-il enfin devenir un levier de performance et participer aux COMEX/CODIR comme le préconisent Thibaut de Leeway et Pierre Landy.
En se délestant des tâches chronophages de gratte-papier (oui, j’ose), le temps ainsi libéré devrait donc redonner aux juristes les missions qu’ils préfèrent : analyser, anticiper, comploter pour une meilleure stratégie.
Chez les avocats, ça bouge aussi ! Surtout quand il y a du contentieux, que les dossiers s’accumulent. Ganaelle Soussens a développé Applicab, une plateforme de suivi des dossiers et de gestion du cabinet qui permet de gagner un temps monstre (25 à 30% tout de même) et d’améliorer la relation avec le client puisque ce dernier est informé en temps réel (ce qui évite les questions récurrentes « où en est mon dossier ? »).
Bref, la révolution est déjà en marche, et ceci n’est que le reflet de ce qui sera la réalité de tous ces juristes de demain. Je m’en réjouis déjà : le droit sera mieux pratiqué et les clients finaux beaucoup plus satisfaits qu’aujourd’hui.
Bientôt : des juristes dans tous les métiers ?
Autre phénomène qui m’enchante : le décloisonnement des métiers du droit. Oui, vous pouvez être:
- juriste et product designer comme Enea de Captain Contrat ;
- juriste et travailler dans l’innovation juridique comme Geoffrey de Ubisoft et Véronique de Lefèbvre Sarrut ;
- juriste et chef de produit comme Barbara chez Payfit ;
- juriste et directrice marketing à l’image de Snéha de Jus Mundi ;
- juriste et content marketer freelance dans la legaltech comme moi 🙂
L’un des gros soucis aujourd’hui ? La formation. Les universités de droit forment d’excellents praticiens mais qui ne sont pas adaptés aux enjeux digitaux et business.
Heureusement, certaines facultés comme celle de Montpellier propose un DU legaltech and law innovation pour donner un coup de boost à votre carrière. Cette formation est basée sur les partages d’expérience sur les technologies appliquées au droit (Blockchain, IA, data, privacy ), les soft skills, les business skills, le legal design et les legal marketplace.
D’autres organismes privés hackent également le système et aident les professionnels du droit à devenir des juristes dans l’ère du temps comme Le Juriste de Demain pour qui « se former tout au long de sa vie is the new black » ou bien encore Side Quest (qui s’adresse plutôt aux avocats).
Bilan : la legaltech n’a pas fini de nous éblouir !
J’espère que cette échappée vers le futur vous aura permis de prendre un peu de recul sur ce que nous vivons. Ce que j’en tire comme réflexion ? La technologie peut TOUT révolutionner. Encore faut-il que nous soyons prêts et ouverts au changement.
Mais comme le dirait une bonne expression que j’adore « Qui va piano va sano ».🚀